Le développement des entreprises chinoises s’affirme à l’international. Au Pakistan, au Moyen Orient, elles imposent leur style, leurs méthodes. En Afrique, la vague chinoise s’avère remarquable ! Forte d’un activisme diplomatique sans précédent illustré par les tournées officielles des dirigeants chinois, la Chine croque le gâteau africain avec un insatiable appétit. Profitant du retrait des pays européens et des inerties locales, les sociétés chinoises investissent tous les secteurs économiques, depuis le petit commerce jusqu’aux grands contrats. Cette démarche est facilitée par une réglementation peu contraignante, la faiblesse de la concurrence, l’absence d’opérateurs locaux. La stratégie chinoise ne vise pas seulement l’engrangement de gains, elle s’établit sur le long terme. Au-delà de la nécessité de sécuriser ses besoins d’approvisionnement en matières premières, l’objectif est de permettre aux entreprises chinoises d’acquérir une dimension mondiale. En se faisant les dents dans les pays du sud, elles n’en seront que mieux armés pour bousculer les sociétés occidentales, conquérir les marchés du nord et in fine se placer en position dominante !
Dans le domaine du BTP, la percée chinoise est spectaculaire. En Afrique, tous les pays sont concernés. « A chaque appel d’offres portant sur des équipements lourds, raconte un responsable de la Banque Mondiale, nous pouvons compter jusqu’à dix sociétés chinoises en lice. Le chiffre ne cesse d’augmenter, ajoute-t-il, des entreprises chinoises inconnues tentent leur chance jusque dans les fins fonds du Burkina Faso ou de la Guinée Equatoriale ! » Tel un jeu de cartes, les marchés tombent un à un, la construction d’aéroports, de ports, de stades. La boulimie chinoise s’invite même dans le logement social, notamment, en Algérie. Le succès des entreprises chinoises tient à une méthode éprouvée : des prix inférieurs en moyenne d’un tiers de ceux des concurrents occidentaux, une main d’œuvre importée de Chine (donc dans l’impossibilité de faire grève) et la rapidité d’exécution des travaux. Sommés par les bailleurs de fonds internationaux de réduire leurs coûts, les pays Africains accueillent volontiers ces offres. « L’Afrique dispose de peu de moyens, commente un cadre de la China State Construction & Engineering Corporation (CSCEC) à Alger. Aujourd’hui, il lui est vital de construire des infrastructures. Seul moyen, s’équiper à bas coûts dans un temps record ! Nous arrivons à point nommé ! » De fait, la réactivité chinoise est impressionnante. A cet égard, l’Association internationale de constructeurs chinois (Chinca) joue un rôle essentiel. Cet organisme parapublic dispose d’une structure de veille des marchés forte de 500 personnes. A chaque appel d’offres, non seulement l’information est largement diffusée mais des Délégations de professionnels sont immédiatement dépêchées sur place. Du jour au lendemain, 30 ou 50 chinois viennent prodiguées leurs conseils aux autorités locales. Dans le même temps, le gouvernement chinois octroie des aides significatives aux entreprises qui veulent entrer dans la compétition. Le résultat ne fait pas attendre ! En Algérie, dix-huit sociétés de l’Empire du Milieu sont engagées dans des travaux d’envergure, 32 % des gros contrats. Au Soudan, au Nigeria, et même dans le pré carré français, au Bénin ou au Gabon, les chantiers chinois pullulent. Désormais, le BTP chinois rayonne en l’Afrique.
La piètre stratégie du BTP français !
« Les chinois sont arrivés en jouant profil bas, déclare un cadre d’une entreprise française de construction. Nous ne les avons pas vu venir ! Pour l’instant, nous tenons encore quelques marchés. Notre seul espoir, ajoute-il sans y croire, c’est la reprise de l’aide au développement conditionnée. » Vinci avec sa Sogea-Satom, Bouygues avec Colas et Eiffage, la liste est longue des entreprises qui descellent peu à peu. Pourtant, ces entreprises déclarent y trouver leur compte. Beaucoup s’enorgueillissent de résultats satisfaisants. Lafarge, leader mondial des matériaux de construction, a réalisé, pour l’année 2006, un chiffre d'affaires en hausse de 18 % par rapport à 2005 (1,5 Md €). Se rassurant à bons comptes, certaines sociétés françaises estiment que les normes de sécurité et le renforcement de leur encadrement local jouent en leur faveur. Cet optimisme pourrait être de courte durée. L’arrivée prochaine de sociétés chinoises spécialisées dans la fabrication de matériaux de construction devrait renforcer l’offre chinoise. « Ce qui est alarmant, c’est que les chinois ont une stratégie. Nous, nous avançons chacun de notre côté, en nous appuyant sur les vestiges en décrépitude des réseaux africains » Qui plus est, le renforcement de l’encadrement local se heurte à la politique migratoire française. Tapi dans ses frontières, le repli de la France pourrait être la cause directe du déclin des sociétés françaises en Afrique, peut-être même de leur effondrement ! Humiliés ou déçus, les responsables africains ne se sentent plus obligés. Par ailleurs, la faiblesse des entreprises françaises se joue aussi sur l’innovation technologique. Pusillanimes, par trop prudentes, manquant d’audace, là aussi, elles décrochent. Pendant ce temps, forts d’innombrables incubateurs technologiques, les chinois développent de nouveaux matériaux, voire des éco-matériaux qui répondent mieux aux attentes africaines. De surcroît, ces derniers écument le monde à la recherche de compétences. Comme d’autres, les chercheurs français ne sont pas insensibles à cet appel. Dès lors, le BTP chinois prend l’avantage. Par exemple, dans le domaine de la valorisation de sédiments marins et d’estuaires en matériel routier, les chinois occupent le terrain (Paneurochina). Dans le secteur de la dépollution, ils développent des solutions. Entre autres, ils auraient mis au point des formulations peu coûteuses concernant le traitement de l’amiante (IR & Amiante).
Par delà l’obtention de contrats, les chinois ambitionnent aussi la gestion d’infrastructures, par exemple, les ports. Une fois les marchés africains dominés, l’objectif est de s’aventurer sur les marchés du nord, réputés juteux. Cette étape franchie, les chinois disposeront alors d’un levier inestimable pour détrôner les grandes sociétés occidentales. A terme, les entreprises comme la China State Construction Engineering Corp (CSCEC), China Harbour Engineering Company (CHEC) et la China National Machinery & Equipment Corp (CNMEC) feront de l’ombre aux autres Vinci et Lafarge. Selon le classement de la revue américaine Engineering News Record (ENR). 56 entreprises chinoises sont répertoriées parmi les 250 plus importantes entreprises mondiales de la construction. L’assaut mondial est donc lancé, presque inexorable !
François de la Chevalerie (Entrepreneur en Chine) & Scarlet Wang (Ingénieur TP)
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