19 octobre 2015

Pinel, APL étudiant : et s’il s’agissait seulement de pallier la carence de l’initiative publique ?

Par Laurent Strichard, Gérant de Open Partners, promoteur de la résidence étudiante le Jules Verne à Levallois- Perret.

Sans conteste, l'annonce de Sylvia Pinel a rassuré : l'aide personnalisée au logement pour les étudiants sera maintenue. Elle n'échappera sans doute pas en revanche au mouvement de rationalisation qui touchera l'ensemble des aides existantes, et c'est tant mieux. Ainsi, le patrimoine des allocataires sera pris en compte dans l'estimation de l'éligibilité aux APL, pour les ménages comme pour les jeunes ayant dé-cohabité.

Cette nouvelle est heureuse pour le logement étudiant. Les investisseurs particuliers se portent volontiers sur les résidences spécialisées pour loger les étudiants et utilisent le levier du Pinel ou du Censi-Bouvard pour alléger leurs impôts. Les étudiants quant à eux trouvent dans l'APL un amortisseur pour le paiement du loyer dont ils sont redevables, dans le parc traditionnel comme dans les résidences dédiées. Pourrait-on se passer de ces deux mesures ? Certainement pas. Il faudrait même aller plus loin en excluant des niches fiscales le Pinel, notamment lorsqu'il est utilisé pour abonder le parc locatif pour les étudiants, le "dénicher" pour user du terme fiscal consacré.

Pourquoi ces dispositifs sont-ils précieux et pourquoi faut-il veiller à leur pérennité ? Simplement parce que l'offre publique de logements pour les étudiants est insuffisante, dans des proportions inquiétantes : 375 000 chambres pour 2,5 millions d'étudiants. De plus, le déficit se creuse : le nombre des étudiants évolue plus vite que le parc. Bref, sans l'offre privée, essentiellement celle des résidences étudiantes, la situation serait intenable.

Pour autant, un phénomène nouveau s'est fait jour : la primo-accession des jeunes. En nombre croissant, ils ont une solvabilité propre, pour avoir un emploi et jouir du double statut d'étudiants et de salariés. D'autres n'ont que les revenus de transfert de leurs parents et appartiennent encore au foyer fiscal familial. Quoi qu'il en soit, beaucoup préfèrent franchir le pas de l'acquisition immobilière. Que cherchent-ils ? Pour la plupart un studio ou une studette, produit-type pour une première opération. Le problème est qu'en majorité, les programmes collectifs neufs ne comportent plus de petits modules, tels que ceux recherchés par les jeunes. Lorsque leur recherche d'un appartement à la mesure de leur solvabilité du moment n'aboutit pas, ils sont contraints de différer pour acquérir un logement plus grand, de deux ou trois pièces, quelques années plus tard. Il importe que les promoteurs intègrent de nouveau dans leurs programmes des studios, à destination de la population étudiante. Il importe de la même manière que les maires aient cette exigence envers les producteurs de logements qui requièrent des autorisations de construire...

D'ailleurs, le studio est aussi un produit idéal pour un investissement à l'aide du dispositif Pinel : à côté de l'offre collective des résidences étudiantes, l'offre de logements locatifs adaptés aux étudiants doit exister dans les immeubles urbains et suburbains neufs. Il s'agit là d'une sorte de sas vers la primo-accession à la propriété, à mi-chemin entre le toit parental qu'on va quitter, voire l'hébergement en CROUS, et la propriété.

En tout état de cause, le gouvernement et le parlement doivent bien comprendre que sans l'intervention massive du privé, pour loger selon le statut de locataire, en résidence ad hoc ou en immeuble collectif traditionnel, ou pour permettre l'accession, l'Etat sera confronté à une réelle crise du logement pour étudiants. L'enjeu est l'équilibre et la paix sociale, et aussi la chance donnée à nos jeunes de se former dans les meilleures conditions pour préparer leur avenir.

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