09 novembre 2016

Immobilier d’investissement, quelles simulations financières croire ?

Rendement performant, avantages fiscaux, taux très bas … les atouts de l’immobilier sont aujourd’hui indéniables. Mais lorsqu’on présente une simulation aux investisseurs, les hypothèses sont souvent trop optimistes et impliquent une revente rapide à un prix qui ne reflète pas la réalité. Plus grave encore, la fiscalité sur les revenus générés et les charges sont souvent minorées, voire omises, alors que la revalorisation des loyers est surestimée. Visite guidée dans le dédale des calculs et démonstration.

L’immobilier apparaît aujourd’hui particulièrement pertinent pour se créer un patrimoine, grâce à ses revenus performants, ses avantages fiscaux et des taux de crédit toujours au plus bas. Pour faciliter la prise de décision des investisseurs, certaines présentations chiffrées s’affranchissent de réalités pour obtenir des présentations plus flatteuses.

Revente après seulement 10 ans de détention avec un financement sur 25 ans pour faire apparaitre des mensualités à payer faibles

Investir en immobilier neuf permet d’obtenir un avantage fiscal conséquent : jusqu’à 21 % du montant d’acquisition TTC sur 12 ans grâce au dispositif Pinel et 11 % du montant d’acquisition HT (hors mobilier) pour le dispositif Censi-Bouvard. Comme la réduction la plus importante en immobilier résidentiel neuf est obtenue sur 9 ans (2 % de réduction d’impôt par an), certains sont tentés d’optimiser la simulation en la limitant à une durée de 10 ans. Sur cette période, l’investisseur finance son acquisition grâce aux loyers et la réduction d’impôt. Comme le financement est réalisé sur 25 ans, les mensualités sont donc faibles et le reste à charge pour l’investisseur sera très limité... Mais attention : uniquement sur cette première période.

Pour un investissement éligible au dispositif Pinel de 217 000 € TTC, les loyers mensuels prévus sont de 600 €. Pour un investissement à crédit sur 25 ans au taux de 2,2 %, les annuités (dont ADI) seraient de 11 264 €. Le reste à charge – ou effort d’épargne – serait calculé comme suit pour la première année pleine :

Annuité (financement, dont ADI) - 11 837 €

Loyer annuel net de charges + 6 050 €

Réduction d’impôts annuelle + 4 340 €

Reste à charge annuel pour l’acquéreur 874 € soit seulement 120 € par mois.

En tenant compte d’une indexation des loyers et d’une période sans revenu (le logement étant acheté sur plan), l’effort d’épargne moyen mensuel serait de 108 €.

Mais que se passe-t-il après cette première période ?

Généralement une seule possibilité est présentée et même « simulée » : la revente.

Autre possibilité : rembourser le prêt jusqu’à son terme pour générer des revenus complémentaires.

La solution généralement présentée, la revente, est calculée sur la base d’un prix avantageux pour la simulation… mais surestimée.

Après cette première période de défiscalisation, le reste à charge augmente mécaniquement pour l’acquéreur. La solution est donc toute trouvée : revendre une fois la défiscalisation des 9 années consommée.

Pour la revente, il faut alors convenir d’une hypothèse de prix de cession. Deux cas de figure présentés bien souvent dans ces simulations : sans plus-value - et donc au prix d’achat initial - ou en bénéficiant d’une revalorisation annuelle de 2 %.

Dans le premier cas, le prix de revente serait de 217 000 €. Détail précisé sur la simulation : « Montant de l’opération, frais de notaire et d’hypothèque inclus ». Alors que la simulation affiche « sans plus-value », la valeur de cession intègre ces frais. Cette hypothèse se veut protectrice, elle inclut donc une revalorisation qui couvre ces frais de notaire et d’hypothèque. Pour le second cas affichant une revalorisation annuelle à 2 %, un rapide détour par les chiffres de l’INSEE sur l’évolution des prix des biens anciens démontre que cette évolution serait surestimée. Ces hypothèses permettraient de présenter un « capital constitué » - autrement dit la différence entre la valeur de cession et le capital restant dû qui doit être remboursé à la banque - de plus de 70 000 € et un taux de rendement interne supérieur à 30 %.

Une étude sérieuse du marché local peut déboucher sur un prix de cession minoré de 20, voire 30 %

Dans les faits, le problème ne se situe généralement pas sur ces hypothèses de valorisation, mais sur deux éléments primordiaux que tout investisseur doit regarder à la loupe :

1/ Quel est le prix de l’immobilier ancien récent au niveau du quartier ?
De nombreux sites permettent de s’en faire une idée assez précise rapidement. Cette analyse est essentielle, car, à terme, le bien sera considéré comme ancien.

2/ Combien d’investisseurs dans ce même quartier et ce même immeuble risquent de revendre en même temps ?Cette présentation alléchante étant faite à de nombreux acquéreurs, si vous souhaitez revendre rapidement, vous devrez alors baisser votre prix de manière substantielle.

En tenant compte de ces deux facteurs, il apparaîtrait prudent de prendre des hypothèses à -20 % voire même
-30 %, mais, dans ce cas, le capital constitué et le taux de rendement diminueraient drastiquement.

Ce que la simulation ne dit pas : quand l’investisseur conserve son bien, l’effort d’épargne augmente de 80 %

S’il opte pour cette solution, cela signifie de continuer à rembourser son prêt jusqu’à son terme. Évidemment, il pourra opter pour les 3 années complémentaires du dispositif Pinel, soit 1 % de réduction d’impôts par an, et son effort d’épargne serait réduit d’autant pendant 3 ans. Après cette période, son effort d’épargne serait alors revu à la hausse. En tenant compte d’une indexation habituelle des loyers à 2 % par an, voici l’effort d’épargne mensuel pour un investissement de 217 000.

Années 1 à 10 : 108 €
Années 11 à 13 : 203 €
Années 14 à 26 : 280 €

L’effort d’épargne mensuel moyen sur 26 ans serait donc de 193 €, soit une hausse de 80 % comparée au montant annoncé initialement.

Fiscalité des revenus générés, charges, évolution des loyers et délais de relocation … des petites omissions qui peuvent se révéler (très) coûteuses

En outre trois éléments sont souvent « allégés » et même passés sous silence : la fiscalité sur les revenus générés, le niveau des charges, et le portage de l’opération. La revalorisation des loyers est en revanche surestimée.

Première omission lourde de conséquences : l’oubli de l’impôt généré par les loyers. Si les taux d’intérêt sont aujourd’hui très bas et donc attractifs, cela a pour conséquence de générer des revenus qui, dès la deuxième ou troisième année, seront supérieurs aux charges et aux intérêts d’emprunt. L’acquéreur sera alors redevable de l’impôt. Sur une période de 10 ans, pour un investissement de 217 000 €, l’impôt dû par un investisseur peut dépasser 20 000 € et même atteindre 50 000 € sur 26 ans. L’effort d’épargne mensuel moyen sur 26 ans sera alors de 355 €, soit un triplement de l’effort d’épargne annoncé.

Autres détails qui ont leur importance : les hypothèses concernant les charges et les loyers. Il convient de vérifier si les frais de gestion, les garanties impayées, la vacance locative, la taxe foncière, les frais de copropriété et l’entretien courant sont bien inclus dans la simulation et à des niveaux réalistes. À ces charges, un élément manque à l’appel : la rotation des locataires et les frais. En moyenne, le changement de locataire intervient tous les 30 mois et le délai moyen de relocation est de 6,5 semaines. Les frais de relocation, de rédaction de bail et l’absence de locataire s’élèvent à 8 % du montant des loyers, soit l’équivalent d’un mois. Et même si l’investisseur a opté pour une garantie contre la vacance locative, la franchise de 2 mois impose tout de même au propriétaire une perte sèche.

Pour les loyers, annoncer une revalorisation forfaitaire annuelle de 2 % se révèle très éloignée des standards du marché. Selon CLAMEUR, depuis 10 ans, les loyers ont évolué de 1,07 % par an au niveau national. En actualisant les données, tant au regard du loyer que des charges, l’effort d’épargne mensuel moyen atteint 460 €.

L’achat portant sur un bien en VEFA (Vente en l’Etat Futur d’Achèvement), le futur propriétaire devra s’acquitter des frais de portage de l’opération, en fonction du calendrier des appels de fonds. Concernant la perception des premiers loyers, il convient d’être prudent sur la date de livraison et de vérifier que les loyers correspondent effectivement à cette date prévisionnelle. En incluant ces nouveaux éléments, l’effort d’épargne mensuel moyen grimpe à 500 €, soit plus de 4,6 fois l’effort d’épargne initialement annoncé.

Un investissement qui doit répondre aux besoins des investisseurs

L’immobilier d’investissement, aussi attractif soit-il, doit répondre à une démarche d’investissement globale et non pas uniquement répondre à un seul objectif : défiscaliser. Certes l’avantage fiscal lié aux dispositifs Pinel et Censi-Bouvard est attractif sont attractifs, mais il convient d’être vigilant sur vos les besoins réels du client, la sélection du bien, le prix d’achat ainsi que le schéma et les hypothèses de financement retenues. Pour éviter les pièges dressés par une simulation chiffrée trop flatteuse, il faudra décortiquer ces hypothèses pour vérifier que l’investissement est effectivement dans vos ses moyens. Comme le dit l’adage, « mieux vaut prévenir que guérir », d’autant que toutes ces présentations chiffrées seront évidemment « non contractuelles ».

EN RÉSUME

- Pour un investissement éligible au dispositif Pinel de 217 000 € TTC avec un crédit sur 25 ans au taux de 2,2 %, une simulation standard présente :

un reste à charge de seulement 108 € par mois ;

- Si l’investisseur conserve son bien 25 ans :

l’effort d’épargne mensuel moyen monte à 193 €, soit une hausse de 80 % comparée au montant annoncé initialement ;

- Si l’on tient compte de l’impôt généré par les loyers (souvent omis dans les simulations) :

l’épargne mensuelle moyenne grimpe à 355 €, soit un triplement de l’effort d’épargne annoncé ;

- Si l’on tient compte de charges et de loyers réalistes :

l’effort d’épargne mensuel moyen passe à 460 € ;

- Enfin, si l’achat porte sur un bien en VEFA (Vente en l’État Futur d’Achèvement) : l’effort d’épargne moyen grimpe à 500 € par mois, soit plus de 4,6 fois l’effort d’épargne initialement annoncé.

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