Le gouvernement, par la voix des ministres du Logement, de L'Egalité des territoires et de la Ruralité et du ministre du Budget, vient d'ouvrir le dossier des aides à la pierre. Sous couvert de moderniser le secteur du logement social, l'État veut créer un fonds national des aides à la pierre, dont les modalités de fonctionnement seront précisées dans le projet de loi de finances initial pour 2016 examiné prochainement par les députés et les sénateurs. L'idée consiste à mutualiser les moyens et, par un pilotage conjoint des organismes HLM et de la puissance publique, de les allouer opportunément aux territoires qui en ont le plus besoin, en vue de bâtir les logements les plus adaptés à la demande locale.
La présentation de cette décision politique est telle que l'opinion aurait mauvaise grâce à la trouver déplacée : on va rationaliser et mettre de l'équité dans le système. On oublie de dire que déjà dans le budget exécuté l'an dernier l'enveloppe des aides à la construction HLM avait fondu de près du tiers et que partis de 450 millions de crédit on est arrivés à une consommation effective de moins de 280 millions d'euros à terme d'exercice. D'où vient cette déperdition entre les autorisations d'engagement votées par le Parlement et les crédits de paiement ? De plusieurs causes, mais d'abord de la fermeture des robinets par l'Etat en cours d'année, sans tambour ni trompette. En clair, l'intention d'assécher les moyens de la construction locative sociale ne fait pas de doute.
D'autant que le logement accessible à tous les Français bénéficie d'autres gestes bienveillants, que Bercy reprendrait volontiers : une TVA à taux réduit, qui entraîne un manque à gagner pour l'État de 5 milliards, des prêts bonifiés distribués par la Caisse des Dépôts, adossés sur les liquidités du Livret A et une APL accession condamnée depuis la fin 2014.
Alors que le logement devrait être proclamé priorité nationale, d'où vient l’idée que l'État veuille faire moins pour la production de logements locatifs sociaux ?
De la volonté aveugle de faire des économies et de renflouer ainsi les finances publiques. L'erreur est doublement préjudiciable au pays : elle dessine un avenir sombre pour les ménages qui n'ont pas accès au parc locatif privé, pour l'ascenseur social qui permet aux locataires de devenir propriétaires, pour l'emploi et pour l'alimentation budgétaire des comptes publics. À eux seuls, les bailleurs sociaux sont à l'origine de 60 milliards de commandes par an aux entreprises en bâtiment, c'est-à-dire aussi et surtout de la création ou du maintien de 120 000 emplois dans la filière amont, auxquels il faut ajouter les emplois de service attachés au fonctionnement du parc.
Réduire les moyens de la construction HLM, c'est exposer la France à un effondrement des rentrées fiscales et à une explosion des suppressions de postes dans le bâtiment. C'est oublier l'enseignement de la crise financière de 208 : les HLM sont un formidable amortisseur social et économique.
Derrière cette capitulation budgétaire et ce désengagement, il y a pire : l'État abdique sa mission régalienne de loger les plus fragiles et les plus défavorisés. Il est question avec cette réforme de transférer en fait à d'autres, Action Logement, les organismes HLM eux-mêmes ou encore les collectivités locales, la charge de la production de logements sociaux. On imagine le résultat quand on sait la situation financière de nos communes et de nos départements ou encore les ponctions dont l'ancien 1% fait l'objet régulièrement.
Au lieu d'organiser ce reflux, il faudrait soutenir et accentuer l'effort, générateur de richesse pour le pays, d'équilibre social et territorial. La construction sociale est en effet un puissant levier d'aménagement du territoire. On parle aujourd'hui plus volontiers d'égalité des territoires. Au demeurant, les moyens alloués peuvent servir à édifier des logements neufs là où la demande est forte mais aussi à réhabiliter le bâti existant pour parer à l'obsolescence des immeubles anciens 40 ou 50 ans après leur construction-. En outre, au même moment où l'État semble disposé à étouffer le logement HLM sans discernement des conséquences pour les familles françaises, il a fait preuve de beaucoup d'aménité pour les expatriés de pays étrangers accueillis en France... La récente loi Macron leur concède ainsi des exonérations fiscales sans précédent !
En somme, ce qui se prépare, dépeint par le gouvernement comme une aimable négociation ouverte avec le Mouvement HLM, est un passage en force déguisé et une renonciation à assumer l'un de ses rôles majeurs : aider les ménages à se loger. Il faut attendre des parlementaires qu'ils démasquent cette intention à haut risque. L'aide à la pierre ou l'APL accession sont des ferments de croissance et de justice sociale. Les sacrifier revient à menacer l'équation républicaine.
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