L'étude annuelle du Forum pour la gestion des villes et des collectivités territoriales sur l'évolution des taxes locales vient de tomber. Comme chaque année, elle est porteuse de bonnes et de mauvaises nouvelles, mais comme chaque année depuis dix ans, elle confirme un paradoxe: pendant qu'on mène tous les combats pour alléger la fiscalité immobilière d'État, les impôts prélevés par les collectivités suivent un cours à peu près indifférent aux considérations de la politique du logement.
Ne soyons pas ingrats et regardons d'abord ce que l'étude révèle d'heureux. Les deux tiers des collectivités observées ont contenu la hausse de la taxe d'habitation, payée par tous les ménages qu'ils soient locataires ou propriétaires, et celle de la taxe foncière concernant les seuls propriétaires d'un bien immobilier, à hauteur d'1%.
En pratique, cette hausse correspond à la revalorisation des bases cadastrales servant au calcul de ces impôts, qui ont été établies en...1970, sans révision depuis lors. L'an dernier, cette hausse avait atteint 1,8%. Pour autant, il faut dire que l'on se situe bien au-delà de l'inflation, qui aura été nulle sur la période. Cette relative modération témoigne d'une prise de conscience des élus, qui comprennent enfin que les familles n'en peuvent plus et qu'il doivent désormais équilibrer leur budget par la maîtrise des charges et non par la pression fiscale accrue. Et peut-être faut-il y voir aussi un signal aux électeurs à quelques mois d’élections législatives lourdes d’enjeux politiques locaux !
Pour autant, les deux tiers des territoires plutôt vertueux, d'une vertu récente en outre, n'empêchent pas de voir le tiers malade. Qui plus est, les villes concernées ne sont pas n'importe lesquelles. A Nantes, dont le maire devint naguère Premier ministre de la France et qui occupe aujourd'hui encore un poste régalien dans le gouvernement, les hausses culminent, avec 6,5% pour la taxe d'habitation et 14,5% pour la taxe sur le foncier bâti et non bâti. C'est d'ailleurs la communauté d'agglomération, que l'actuelle maire de Nantes préside, qui s'est taillé la part du lion dans ces hausses, avec pour les deux mêmes impôts des augmentations inconsidérées de l'ordre de 20% ! Les villes de Saint-Denis et de Clermont-Ferrand se sont rendues coupables de la même intempérance fiscale, mais Aix-en-Provence, Mulhouse, Marseille ou encore Toulouse ont alourdi de l'ordre de 5% leurs taxes d'habitation. Argenteuil a fait exploser de près de 12% sa taxe foncière! Metz, avec 4,2% rivalise avec Orléans et ses 4,1% pour l'impôt pesant sur les propriétaires. Et la métropole n'a pas l'apanage de ces choix fiscaux malheureux: Saint-Paul de la Réunion, dans une collectivité très marquée par les difficultés économiques de nos lointains compatriotes, se paie le luxe -si l'on peut dire- de faire croître la taxe d'habitation de 7,5% et la taxe foncière de 6,8%.
Enfin, derrière la sagesse des deux tiers des élus municipaux, il faut discerner le comportement inverse des départements: leur part des deux taxes observées étant moindre, on pourrait ne pas voir que l'évolution de la moyenne des taux départementaux a bondi de 5,2%. On pourrait aussi ne plus se rappeler que ces mêmes départements, pour l'impôt dont ils prélèvent l'essentiel, les droits de mutation à titre onéreux -acquittés lors de l'achat d'un logement ancien ou neuf-, n'ont eu aucun scrupule : depuis l'an dernier, le niveau de ces droits flirte avec les 8%.
Les élus interrogés sur les raisons des augmentations ont argué de la hausse des investissements et de la baisse des dotations venant de l'État. Le problème est que les collectivités modérées, voire celles qui réduisent légèrement leurs taxes ou les maintiennent étales, comme Caen ou Pau, ont aussi investi et qu'elles ont pâti des mêmes contractions de dotations nationales... Bref, on entend des justifications qui ne valent pas explications. On aura soin de noter d'ailleurs que la vertu et le vice ne se partagent pas selon les clivages politiques. Ce sont des choix de gestion qui ne sont guère idéologiques, et à ce jeu, la droite, la gauche et le centre ne se distinguent pas.
Ce panorama des décisions fiscales des collectivités est sombre. Sur les territoires les moins pénalisés, on en vient à apprécier... que les augmentations soient moins fortes qu'ailleurs et se rapprochent de l'inflation. On se réjouit d'un ralentissement de la hausse par rapport aux exercices antérieurs.
Plus que jamais, la politique du logement doit intégrer la dimension locale. Un ministre du logement a certes la responsabilité de guider les grandes décisions fiscales du pays pour l'immobilier, elle ou il a surtout aujourd'hui la charge du dialogue avec les collectivités territoriales pour que les progrès de l'action nationale ne soient pas abîmés par des choix locaux malveillants, au mieux aveugles quant aux enjeux du logement. Les torts à redresser sont nombreux. Pêle-mêle, pointons l'attitude de l'État qui transfère sans cesse des missions aux collectivités et assèche leurs moyens, les poussant au crime fiscal, le comportement déraisonnable d'élus locaux qui ne réduisent pas le train de vie de leurs collectivités quand l'État fait sur ce front des efforts certains, qui procèdent à des investissements plus souvent prestigieux qu'utiles, et qui pour beaucoup restent malthusianistes au moment de délivrer les autorisations de construire ou d'engager des chantiers de revitalisation. L’annonce à la veille de l’été, de la création d’une taxe spéciale aux équipements régionaux (TSER) ne fait que renforcer ce sentiment d’injustice fiscale bien connu des propriétaires. Osons espérer que celle-ci ne sera pas adoptée dans le projet de loi de finances cet automne.
Les candidats à l'élection présidentielle, qui sont en train de sortir du bois, ne feront pas l'économie d'une réflexion profonde et sérieuse sur ce nouveau cancer du logement. Si les baisses de prix et de taux, les aides budgétaires votées dans les lois de finances sont neutralisées par les collectivités, les Français ne le pardonneront pas à ceux qui les gouvernent. L'irresponsabilité de la classe politique sera sanctionnée en bloc.
Jean-François BUET, Président de la FNAIM
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