Alors que les taux demeurent historiquement bas, malgré une légère remontée ces derniers mois, incitant les consommateurs à renégocier leur crédit immobilier pour réaliser plusieurs milliers d’euros d’économies, l’UFC-Que Choisir, alertée par de nombreux témoignages ainsi que par la recrudescence des litiges, a mené l’enquête. L’association rend publique aujourd’hui une étude exclusive qui lève le voile sur les nombreux pièges des banques pour limiter les renégociations, aux premiers rangs desquels figurent les comportements dilatoires, la gestion calamiteuse des dossiers ainsi que l’inflation galopante des tarifs. Sur la base de ces constats, l’association saisit les pouvoirs publics pour que soit mis fin à ces pratiques délétères.
Sur la seule année 2016, 1,2 million de ménages ont souscrit un crédit immobilier, et près de la moitié du volume (45 %) est le fait d’une renégociation de crédits existants, par le biais d’un réaménagement auprès de la banque initiale, ou d’un rachat le plus souvent par un établissement concurrent. Or, ces opérations sont la source de nombreux litiges qui représentent le tiers des dossiers relatifs au crédit immobilier traités par nos associations locales(1). Pour mieux comprendre l’origine des difficultés, l’UFC-Que Choisir a passé au crible 493 de ces litiges et, sur cette base, dénonce aujourd’hui les pièges tendus par les banques tout au long du parcours de renégociation.
Demande de renégociation de crédit : les banques jouent la montre
Bien conscients que le temps joue en leur faveur, puisque la renégociation est d’autant plus rentable qu’elle est effectuée rapidement, les établissements bancaires cherchent tout d’abord à gagner du temps. 23 % des litiges concernent ainsi des attitudes dilatoires, aux premiers rangs desquelles on retrouve des délais records (jusqu’à 11 mois) pour l’envoi du décompte de remboursement anticipé, document essentiel permettant le rachat du crédit par un établissement concurrent (10 % des dossiers). Au palmarès des établissements qui profitent de la captivité des consommateurs, c’est le Crédit immobilier de France qui se distingue, en concentrant à lui seul 18 % des cas. D’autres consommateurs (9 % des litiges) ont été quant à eux confrontés à des accords de réaménagement, formels ou informels, finalement non respectés. Autant de temps de gagné, dans un cas comme dans l’autre, par la banque initiale, sachant que 12 mois de perdus réduisent de 820 € l’économie potentielle(2), quand cela ne conduit pas les emprunteurs à se décourager complètement.
Gestion des dossiers : une avalanche d’erreurs et de surfacturations
Obtenir une renégociation ne signifie pas pour autant être au bout de ses peines, puisque 39 % des litiges recensés sont liés à la gestion parfois calamiteuse de ces opérations par les banques. De nombreux consommateurs doivent ainsi s’acquitter de sommes non prévues ou non expliquées, telles que des exonérations de frais promises finalement non honorées ou de coûteux intérêts intercalaires prélevés par la nouvelle banque, quand ils ne subissent pas des erreurs de gestion, comme les nombreux cas de facturation multiples d’une même prestation (10 % du total des litiges).
Pire, alors que la loi exonère d’indemnité de remboursement anticipé (IRA) les ménages contraints de rembourser leur crédit à la suite d’une mobilité professionnelle ou de la perte de leur emploi, 8 % des litiges traités émanent de consommateurs à qui ces IRA ont quand même été facturées ; ils doivent alors s’armer de patience et de ténacité, et souvent de l’aide de nos associations locales, pour faire valoir leurs droits. Notons enfin la douteuse pratique de certaines banques, qui contraignent les emprunteurs à souscrire des produits bancaires ou assurantiels en contrepartie d’un réaménagement.
Facture globale de la renégociation : l’inflation galopante des frais
Enfin, 21 % des dossiers de consommateurs font référence aux frais jugés trop élevés facturés par les banques à l’occasion de ces opérations. Et en effet, si la loi prévoit un encadrement strict des IRA(3), les banques se sont visiblement rattrapées sur le prix des frais annexes, comme le montre notre étude des brochures tarifaires de 30 établissements bancaires(4). En cas de négociation avec sa propre banque, les frais d’avenant ont progressé de 18 % entre 2012 et 2017, pour atteindre en moyenne 1,34 % du capital restant dû. Et le montant plancher a quant à lui explosé (+ 43 %), passant de 361 € à 516 €, et jusqu’à 1500 € pour la Banque Populaire du Nord, ce qui pénalise tout particulièrement les petits emprunteurs. Même logique concernant les frais de dossier lors de la conclusion d’un rachat auprès d’une autre banque, qui s’ils sont restés stables pour les emprunts importants, ont bondi de 24 % pour leur montant plancher, avec une moyenne de 323 €, ING Direct se distinguant par un plancher de 750 €.
Déterminée à ce que les consommateurs-emprunteurs puissent profiter pleinement de la baisse des taux par le biais de la renégociation de crédit immobilier, l’UFC-Que Choisir :
• Saisit la DGCCRF ainsi que l’ACPR afin qu’elles procèdent à des contrôles pour s’assurer du respect par les établissements bancaires de leurs obligations légales et contractuelles (délivrance rapide du décompte de remboursement anticipé, motifs d’exonération de l’indemnité de remboursement anticipé) et pour l’ACPR, qu’elle émette, le cas échéant, des recommandations adaptées ;
• Demande au Ministre de l’Économie d’encadrer plus strictement les opérations de renégociation de crédit immobilier notamment en plafonnant les frais d’avenant et de dossier ainsi qu’en uniformisant la terminologie employée dans le but de favoriser la transparence et de stimuler la concurrence.
Consultez l'étude : Renégociation de crédit immobilier
1 Litiges traités entre janvier 2010 et juin 2017.
2 Compte-tenu du paiement en priorité des intérêts, un rachat reporté d’un an ampute, pour un crédit de 210 000 € sur 18 ans souscrit le 1er juin 2014 au taux de 3,0 %, dont le rachat était initialement prévu le 1er juin 2016 au taux de 1,6 % et qui s’est finalement conclu le 1er avril 2017 au taux de 1,5 %, de 820 € le gain potentiel. Il atteint désormais 15 600 € contre environ 16 420 € initialement.
3 L’article R313-25 du code de la consommation prévoit que le coût de l’indemnité de remboursement anticipé (IRA) ne peut dépasser soit la somme d’un semestre d’intérêt du montant remboursé, soit 3 % du capital restant à rembourser. La formule la plus favorable au consommateur s’applique.
4 Le détail des établissements bancaires étudiés est disponible dans l’étude.
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