Certes, le candidat Hollande l’avait promis lors de sa campagne pour la Présidence de la République s’il était élu. Certes, Cécile Duflot nommée ministre du Logement l’a inscrit dans son projet de loi dès 2013 et la disposition a bel et bien été votée dans la loi du 24 mars 2014. Pourtant, il a fallu que les textes d’application paraissent il y a quelques jours et que l’échéance du 1er août approche pour que l’on comprenne que le pire était arrivé : le marché des locations résidentielles sera corseté à Paris par un mécanisme d’encadrement administratif. La seule satisfaction des défenseurs de la liberté et des tenants de l’auto-régulation du marché aura été d’entendre le Premier ministre dès son arrivée à Matignon faire acte de contrition... Trop tard. Il a néanmoins limité le désastre : alors que toutes les zones tendues devaient être ainsi encadrées, le principe a été choisi de s’en remettre aux maires des villes concernées. Au demeurant, il se pourrait que d’autres villes y soient également soumises : la maire de Lille l’a déjà demandé.
Il faut dire haut et fort que ce dispositif d’encadrement n’a rien pour lui. À tel point qu’il ne témoigne que d’un entêtement du gouvernement, marqué par une idéologie des plus regrettables.
Il est d’abord effrayant pour les investisseurs : investir, c’est entreprendre, placer son capital dans un projet et en assumer les risques. Dans le cas de l’investissement locatif, les risques de la carence, de la vacance, de l’impayé, de la déprédation ne sont pas théoriques, et le propriétaire est prêt à y faire face. Il prétend pour cela à une rentabilité et à une relative liberté. Dans son principe, l’encadrement est dissuasif pour l’investisseur, qu’il soit un particulier ou une institution financière.
On notera aussi que la temporalité politique est totalement dépassée par celle de l’économie : l’intention de François Hollande, exprimée en 2011, alors que les loyers parisiens augmentaient, entre en vigueur quatre ans plus tard, alors que les loyers de relocation sont orientés à la baisse. On applique un remède, qu’il soit bon ou mauvais, quand le mal a disparu.
Une objection est émise couramment : où les investisseurs actuels ou potentiels iraient-ils donc ? Contrairement à ce que pense le gouvernement, ils ne sont pas otages de l’immobilier, singulièrement à Paris. Leur bien se vendra sans peine, à un prix élevé, et la plus-value engrangée leur ouvre le choix des supports. L’encadrement peut même les conduire à ne pas renoncer à l’immobilier s’ils y sont attachés : il les détournera de Paris intra-muros... pour les mener ailleurs. Depuis quelques mois, on voit les bailleurs de la capitale préférer les communes de la couronne, ou des villes de région. Le problème est que Paris, dont 60 % des habitants sont locataires, a un besoin crucial des bailleurs privés... En clair, l’encadrement est un repoussoir, qui bénéficie à des villes dans lesquelles le besoin n’est pas aussi impérieux. C’est l’aménagement du territoire qui en pâtit, et garante de l’égalité des territoires, Madame Pinel constatera que l’encadrement est un levier de déséquilibre.
Les chiffres à cet égard sont déjà porteurs d’enseignement : les achats de logements locatifs, qui constituaient plus de 30 % des acquisitions à Paris, sont tombés en dessous des 10 %. Au moment où la maire de la capitale veut faire revenir les investisseurs, notamment institutionnels, pour abonder l’offre locative et éviter la surchauffe liée à une demande insatisfaite, le paradoxe est de taille. On sait également que Madame Hidalgo est soucieuse de mobiliser le parc vacant, sans doute 40 000 logements disponibles... Le moins qu’on puisse dire est qu’elle ne s’y prend pas bien.
En outre, ce dispositif, pour précis que le gouvernement l’ait voulu, avec la définition de 80 quartiers — d’ailleurs définis en 1860, sur des critères d’homogénéité obsolètes —, avec la distinction des années de construction des immeubles et de leur typologie par nombre de pièces, ne prend pas en compte l’état des logements. L’effort d’entretien des bailleurs, dont on sait qu’il était indéniable depuis une dizaine d’années, n’est pas valorisé. Pourquoi donc le poursuivraient-ils dans ce cadre ? L’encadrement va éteindre l’élan de rénovation et de réhabilitation du parc locatif privé parisien.
Au passage, il va introduire de l’insécurité là où régnait une véritable sérénité. Il faut s’attendre d’abord à des contestations quant aux marges de manœuvre laissées au bailleur ou à son mandataire de placer le loyer 30 % en dessous ou 20 % au-dessus de la valeur de référence. Qui plus est, le locataire disposera de trois ans pour exprimer son désaccord, ce qui est une aberration contractuelle. Ce délai de contestation va fragiliser gravement les baux d’habitation. D’évidence, on n’a pas non plus pensé aux prêteurs, sans qui l’investissement locatif n’existerait pas : comment s’engageront-ils sur un plan de financement alors que les produits d’exploitation attendus peuvent sur simple avis d’une commission de conciliation baisser de 10 ou de 15 % ?
Bien sûr, il n’a pas échappé non plus que le concept de supplément de loyer, qui était une variable d’ajustement bienvenue en soi, serait un nid à contentieux. Pendant trois mois, le locataire pourra en remettre en question le montant, et pour le coup, les textes ne précisent tellement pas les critères du supplément applicable que tous les débats seront permis : la vue sur les toits de Paris, que je juge charmante, sera estimée banale voire déprimante les jours de pluie par tel locataire... Une terrasse pas assez spacieuse pour installer une table constitue-t-elle une valeur ajoutée valorisable ?
Comble d’insécurité, les baux en cours : un locataire dont le bail a été renouvelé pourra au plus tard cinq mois avant l’échéance du contrat contester le niveau de son loyer. On imagine les conséquences de cette mesure : les bailleurs vont vivre dans la crainte du lendemain, et ce qu’on considérait comme un placement à forte visibilité entre tous devient le plus aléatoire du monde.
Au-delà de la critique de la décision bientôt en application, que faire ? Gagner en pragmatisme et fuir l’idéologie. Oui, les locataires sont affaiblis par les circonstances économiques, mais les propriétaires n’en sont pas la cause. On fait semblant d’avoir trouvé une solution en désignant comme coupable l’autre partie prenante à l’acte de louer, le bailleur. Lorsqu’on connaît la sociologie actuelle des investisseurs, désormais recrutés dans les classes moyennes, on estime l’erreur d’analyse du gouvernement.
La FNAIM désapprouve le choix de l’encadrement, et pour n’avoir pas été entendue, elle porte l’affaire devant le juge : le Conseil d’État devra dire si l’encadrement à Paris et celui en cours de construction à Lille sont conformes aux principes fondamentaux du droit, à commencer par le droit de propriété. S’il le faut, le juge communautaire sera saisi. Pour autant, ces instances ne sont pas suspensives, et avant que l’État ne soit conduit à revenir sur son erreur historique, il y a urgence à agir positivement.
Nous préconisons depuis longtemps la création d’un bail solidaire, qui serait un contrat fiscal entre la collectivité et les bailleurs acceptant de louer 30 % moins cher que le marché. Il est heureux d’ailleurs que la mairie de Paris, inspirée par la FNAIM, soit séduite par un dispositif juridique spécifique à la capitale, de nature à valoriser l’investissement solidaire. La FNAIM veut enfin, à rebours des dernières mesures annoncées par Madame Pinel, que les locataires mauvais payeurs fassent l’objet d’actions fortes et que les droits du bailleur ne soient pas malmenés comme ils le sont. Il n’est pas admissible que les quelque 3 % de preneurs indélicats compromettent la confiance dans l’investissement locatif, ajoutant à l’ambiance de défiance installée par l’encadrement des loyers.
Jean-François Buet, Président de la FNAIM
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