L’État ne sait pas comment financer la suppression de la taxe d’habitation pour 80% des ménages français. Du seul fait de cette taxe, dont le produit allait aux communes et que l’État avait promis de compenser, notre pays se retrouve face à une impasse budgétaire de 8,5 milliards.
La dégradation des relations entre l’exécutif national et les élus locaux qui s’ensuit est on ne peut plus fâcheuse et le logement en fera sans aucun doute les frais. Pourquoi ? Deux conséquences risquent fort de s’imposer. D’abord un transfert de charge de la taxe d’habitation vers d’autres impôts à commencer par la taxe foncière. Nombre de maires ont prévenu, qu’ils n’avaient pas les moyens de payer le cadeau du Chef de l’État aux Français, aux dépens de leurs administrés et qu’il leur faudrait trouver des ressources. Une hausse de la taxe sur le foncier bâti serait assassine pour tous les propriétaires certes, mais plus encore pour les investisseurs : aux propriétaires occupants, une hausse de la TFPB sera désagréable et elle viendra les désolvabiliser, mais on n’imagine pas qu’ils choisiront de redevenir locataire pour y échapper. Ceux qui achètent pour louer, en revanche, n’accepteront pas que le rendement de leur placement, déjà faible, soit encore réduit et arbitreront en défaveur de l’immobilier.
Qui plus est, le message envoyé par le Président Macron qui pose le postulat selon lequel l’investissement dans le logement ne servirait pas l’économie et qu’il vaudrait mieux qu’un ménage place son argent dans les entreprises est aberrant et a servi de socle aux récentes décisions fiscales.
On a également entendu des maires émettre l’hypothèse d’augmenter leur part des droits de mutation à titre onéreux, improprement appelés « frais de notaires », qui représente 1,20% du montant de chaque acquisition immobilière. Si ces droits venaient à subir une hausse, c’est la vigueur du marché des transactions qui en serait affectée. Alors que ménages, professionnels, pouvoirs publics, se sont collectivement réjouis que la barre du million de ventes ait été tangentée en 2017, on déchanterait rapidement en 2018 et 2019 : un rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable vient d’établir une corrélation forte entre le niveau des droits de mutation et le nombre de cessions.
S’agissant des conséquences de la suppression de la Taxe d’ Habitation, les maires ont également rappelé que son produit constitue l’essentiel de leurs budgets pour apporter des services aux habitants (écoles, crèches, transports publics, espaces verts notamment). Par ricochet, ils préfèreront renoncer à accueillir de nouveaux ménages, c’est-à-dire à favoriser la construction sur leur territoire. Le malthusianisme des maires en matière de délivrance des permis de construire va croître et pénaliser le développement du parc immobilier résidentiel.
Les besoins avérés de 400 000 logements de plus par an dans notre pays ne seront pas satisfaits, avec à la clé des projets de logements qui ne se réalisent pas et des tensions sur les prix dans les zones les plus denses. Il se pourrait également que la rénovation du parc en pâtisse, pourtant tellement vitale pour les cœurs de villes, en particulier les petites et les moyennes communes. Notre fédération vient de montrer que la vacance des logements s’y était considérablement aggravée au cours des vingt dernières années, avec des taux d’inoccupation supérieurs à 7% dans les aires urbaines entre 200 000 et 500 000 habitants, pour atteindre 8,5% en moyenne dans les communes de moins de 100 000 âmes et pouvant approcher les 20% dans les villes souffrant le plus au plan économique.
Là, les élus doivent avoir les moyens d’opérations de revitalisation d’ampleur, telles que les OPAH (opérations programmées d’amélioration de l’habitat) ou encore les programmes de retour des commerces en centres-villes ou en centres-bourgs, le plus souvent portés par une fiscalité incitative. D’ailleurs, du dialogue difficile entre le ministère de l’Économie et les communes vient de sortir une idée intéressante : le transfert aux communes du fruit de la taxation des revenus fonciers. Elle inaugure un lien d’une autre nature entre les villes et les investisseurs privés, dont l’offre locative est évidemment précieuse pour l’attractivité locale. On s’est habitué à parler d’un parc locatif privé, comme s’il était indifférencié dans tout le pays et sur tous les territoires : l’observation de son taux d’occupation témoigne que le marché du logement est essentiellement local et accessoirement national.
Au demeurant, le gouvernement veut à juste titre permettre que les préfets puissent déroger à des réglementations nationales, en accord ou sur la demande des collectivités, pour donner plus de souplesse et de justesse aux politiques nationales. Pour le logement, qui renvoie à des réalités territoriales, cette adaptabilité est fondamentale. Et pour veiller à la qualité de l’offre locative privée comme à son importance quantitative, impliquer les communes est sans conteste une voie vertueuse.
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