Le marché de l’investissement n’a pas terminé comme il avait commencé. Il est passé tout près de son record historique, alors qu’en début d’année, beaucoup s’interrogeaient déjà sur ses capacités à rééditer ses performances de l’année précédente. L’exercice s’est achevé sur un volume de 19,5 milliards d’euros attirés en France. La progression est de 3% par rapport à 2015, et c’est le deuxième meilleur résultat jamais obtenu dans toute l’histoire de l’immobilier en Ile-de-France ! L’initiative est restée largement franco française, puisque les investisseurs nationaux ont été à l’origine de 68% des fonds investis. Les étrangers ont surtout été vendeurs. Ce faisant, tout le monde a été gagnant. Les vendeurs ont engrangé de solides plus-values, tandis que les acquéreurs ont trouvé de la matière. Sans cela, le risque aurait été grand que le marché soit asséché. Toujours aussi recherché, le quartier central des affaires a vu les prix du mètre carré s’envoler. Conséquence mécanique, les rendements des loyers se sont encore comprimés. Mais cela n’a pas constitué un obstacle rédhibitoire car la comparaison entre les placements restait favorable à l’immobilier. En 2017, cela sera moins évident. Il faudra sans doute tabler sur une concurrence accrue des actions et, dans une moindre mesure, des obligations.
Marché : le gâteau n’était pas sec. Les doutes pour 2016 étaient réels, non pas tant au niveau de la demande, qui était réelle, que de la raréfaction des actifs cessibles. L’assèchement du marché a pu être évité grâce à l’accélération des décisions d’arbitrage prises par les investisseurs internationaux. Elles ont représenté près de 10 milliards d’euros de transactions. La tentation de vendre a été d’autant plus forte que Londres, l’autre grand marché européen, est apparu beaucoup plus sujet à interrogations à la suite de la victoire du Brexit. Les Américains l’ont parfaitement compris. Ils ont préféré finaliser à Paris plutôt qu’aux abords de la Tamise. Cela s’est traduit par de multiples cessions d’immeubles, à hauteur de 3,5 milliards d’euros. De leur côté, les Britanniques et les Irlandais ont reçu 1,8 milliard d’euros. Il est vrai qu’à elle seule, la vente du 9 place Vendôme, a rapporté plus d’un milliard d’euros à ses propriétaires Irlandais. Cette transaction « off market » n’a pas été pour rien dans l’excellente tenue du marché de l’investissement au 4ème trimestre.
De leur côté, les investisseurs allemands ont poursuivi leur désengagement, entamé voici plusieurs années, dans le cadre de la liquidation de certains fonds. Ils ont cédé pour plus de 1,7 milliard d’euros d’actifs. Autre explication au dynamisme des transactions, l’avenant à la convention fiscale franco-luxembourgeoise. Il a mis fin, à compter de cette année, à l’exonération dont bénéficiaient les sociétés immatriculées au Luxembourg sur leurs plus-values de cessions immobilières réalisées en France. Depuis cette année, ces sociétés tombent sous le couperet du droit commun. Les plus-values sont taxées à 33,34%. Pour elles, il y avait donc urgence à vendre avant le 31 décembre 2016.
Les motivations des investisseurs : un fort appétit pour les actifs sécurisés. On vient avant tout sur l’immobilier parisien pour son mix sécurité / rendement et, puisque l’accélération des pré- commercialisations sur le marché locatif crée de nouvelles opportunités, les investisseurs en ont profité. Les VEFA pré-louées ont ainsi représenté 9% des volumes investis en 2016, soit un quasi-doublement en un an. Sinon, parmi les solutions alternatives aux bureaux, devenus trop rares, la montée en puissance des actifs de santé est à noter. L’hôtellerie est aussi en vogue, au point que d’anciens immeubles de bureaux trouvent là une nouvelle affectation, comme les 4 600m² actuellement transformés rue la Boétie. Mais la piste la plus explorée a été celle des actifs de commerce. Ils ont pesé pour 2,8 milliards d’euros de transactions et leur proportion dans le volume global est passée en un an de 11 à 14%. La progression s’est opérée via des acquisitions de boutiques en pied d’immeuble ou d’actifs entiers comportant une forte quote-part de commerces, à l’image du 9 place Vendôme ou du 65/67 Champs-Elysées.
Emplacements : le quartier central des affaires a encore tiré la fève. A lui seul, le QCA s’est attiré près de 5,6 milliards d’euros d’investissement au cours de l’année, représentant 33% du marché d’Ile-de-France. Il progresse en un an de 48%. En 2015, il n’avait compté que pour 22% des sommes investies en région parisienne. Le QCA a très clairement bénéficié de l’augmentation du prix de cession et de la possibilité pour les acquéreurs de se positionner sur de très importants montants unitaires. La Défense est l’autre marché à tirer son épingle du jeu. Avec presque 2 milliards d’euros d’investissement, ce quartier progresse de 30%.
Acquéreurs : la France s’octroie une bonne part du gâteau Dans les années 90, les investisseurs français avaient eu tendance à se détourner de l’immobilier. En outre, ils n’étaient pas aussi bien équipés technologiquement que leurs homologues de la finance. Depuis, ils se sont bien rattrapés. Les investisseurs domestiques ont placé 13,3 milliards d’euros. Ils ont totalisé en 2016 près de 68% des sommes investies en immobilier d’entreprise en Ile-de-France. C’est bien plus qu’en 2015. Axa s’est par exemple porté acquéreur de la tour First à La Défense pour 800 millions d’euros tandis qu’Amundi achetait le portefeuille paneuropéen Alpha, dont la part francilienne (composée de la tour Egée, de l’immeuble Orsay et du Stadium) est estimée à 700 millions d’euros.
En deuxième position, les investisseurs européens hors zone euro s’arrogent 10% des volumes investis. Ils auraient pu être talonnés, voire dépassés, par des fonds issus d’Asie, notamment coréens, si certaines transactions d'envergures avaient été menées à leur terme. Ces investisseurs n’ont pu placer « que » 1,4 milliard d’euros sur le marché d’Île-de-France, maintenant leur part de marché à 7%. Ils sont à l’origine de deals significatifs, tels que l’acquisition par Korean Investment Securities du Campus Novartis à Rueil-Malmaison (350 millions d’euros). La poussée des fonds asiatiques et moyen-orientaux aurait donc pu être forte. Ce ne sera sans doute que partie remise. Brexit aidant, ces investisseurs se sont en effet massivement tournés vers la place parisienne et font preuve d’une forte volonté d’y accroître leur exposition. A l’inverse, la part des Nord-américains recule nettement, passant de 13% à 7%.
Rendements locatifs : bientôt la portion congrue. Quand les prix du mètre carré s’envolent, les loyers ne suivent pas forcément la même courbe. Les rendements baissent donc mécaniquement. En matière de valeur vénale moyenne, elle n’a évolué qu’à la marge (13 700€/m² en bureaux sur le QCA en fin 2016). En revanche, celle enregistrée pour les actifs Prime a véritablement bondi, à un peu plus de 24 600€/m² au quatrième trimestre, portant la hausse sur un an à 19%. Dans certains cas, les valeurs vénales se sont envolées encore plus haut, pour dépasser régulièrement les 30 000€/m². C’était le cas lorsque l’actif comportait une part significative de commerce. La Défense a connu une évolution un peu plus sage, avec une valeur vénale Prime en augmentation de 6%. Dans ces conditions, à niveau de loyer inchangé, le taux de rendement Prime évolue entre 3 et 3,25% dans le QCA. Il a perdu 50 points de base au cours de l’année dans les principaux secteurs. C’est la poursuite, sur un rythme exactement similaire, de la tendance observée en 2015.
Perspectives 2017 : toujours de l’appétit ? La question est récurrente. Les points d’interrogation pour 2017 pourraient venir des placements concurrents, mais aussi d’un contexte politico-économique sous surveillance. Les actions et les obligations sont susceptibles de procurer des perspectives de plus-value, ou de rentabilité, plus attractives que l’immobilier de bureaux. La hausse de rendement des emprunts d’Etat a été spectaculaire en 2016. Il est vrai que l’on partait de tellement bas : 0,1% en août. A la fin de l’année, le rendement était remonté à 0,7%. En l’occurrence, ce n’est pas tant la performance que la vitesse de rattrapage qui a surpris. Du coup, il faudra surveiller cette tendance. Côté actions, les marchés boursiers ont fait preuve d’une étonnante capacité à absorber les nombreux chocs et soubresauts politiques. En définitive, les indices boursiers se sont calqués sur les perspectives d’amélioration de la croissance mondiale. Les actions gagnantes seront comme en 2016, les titres anormalement décotés dont la valorisation doit logiquement profiter du retour de la croissance. Si cette dynamique se poursuit en 2017, elle peut réorienter une partie des flux monétaires vers les marchés actions.
Le Brexit, l’arrivée au pouvoir de Trump, les élections françaises sont autant d’éléments qui viendront peser sur les décisions des grands investisseurs. Dans un tel contexte, la stabilité et la transparence du marché français sont sans nul doute vecteur d’attractivité pour les fonds étrangers, quand dans le même temps, l’épargne des Français continuera d’être dirigée vers l’immobilier.
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