I) Sur le constat
Le constat inquiétant du rapport de la Fondation Abbé Pierre ne doit pas faire oublier que, sur le long terme, la tendance est à l'amélioration des conditions de confort des logements.
Cette évolution est attestée par l'enquête logement Insee de 2006 (que cite d'ailleurs le rapport).
a) Sur l'état général du parc.
La description du rapport ne doit pas occulter les tendances de fond :
- le nombre de ménages en situation de surpeuplement baisse : 16,8 % des ménages en 1984,
11,8 % en 1996 et 9,0 % en 2006 (enquête Logement Insee 2006) ;
- sur le confort : « le confort de base des résidences principales continue de s'améliorer ». En 1984, il y avait 15 % de logements ne disposant pas des trois éléments de confort de base (eau courante, installation sanitaire et WC intérieurs). En 2006, ce chiffre est tombé à 1,3 %.
De plus, chaque année, la politique dynamique du gouvernement amène à construire 400 000 logements aux normes, à démolir dans le cadre de l’ANRU 50 000 logements insalubres par an et grâce aux travaux de rénovation et aux incitations de l’ANAH à améliorer le confort de nombreux logements. On ne peut donc pas dire que la qualité du parc se dégrade, au contraire, elle a tendance à s’améliorer.
b) Le nombre de personnes en situation de « réelle fragilité » dans le rapport de la Fondation est compris dans une acception extrêmement large.
En ce qui concerne le nombre de personnes logées en meublé, il a tendance à augmenter légèrement depuis 1988 (1,5 % en 1988 et 1,7 % en 2006), mais a un peu baissé par rapport à 1984 (1,9 %). C’est souvent un choix de commodité de la part de l’occupant. Il est donc excessif de les classer par principe dans les catégories de personnes non ou très mal logées.
Quant aux personnes confrontées à des problèmes d'impayés, elles sont au nombre de :
- pour les impayés de loyers : 494 800 ménages,
- et pour les impayés de charges ou remboursement d'emprunt : 70 000 ménages.
Il est inexact de les considérer toutes comme de personnes « en situation de réelle fragilité à court ou moyen terme » ? Il peut s’agir de situations passagères et déjà réglées.
Cela parait excessif, d'autant que l'enquête INSEE Logement 2006 indique que de plus en plus de ménages ont remboursé leurs prêts immobiliers. De plus, s’ils sont endettés, c’est pour améliorer la qualité de leur logement.
c) L'ANAH chiffre à 3,4 millions de personnes touchées par la précarité énergétique. Quelle est la valeur du DPE ?
Mais on peut indiquer que :
- les exigences de performance énergétique renforcent en théorie la précarité énergétique ;
- du point de vue sémantique, répandre les vocables comme celui de « passoire thermique » ne peut que contribuer à renforcer l'impression de précarité pour les habitants de logements qui les considéraient jusqu'à présent comme très acceptables.
d) Sur la législation des loyers, le rapport indique que « Dans le parc locatif privé, la mobilité participe à l’augmentation des loyers puisque les loyers de relocation ne sont pas régulés » (synthèse, p. 2)
Cette affirmation comporte une part de vérité lorsque le marché augmente, elle est fausse lorsque le marché baisse : un certain nombre de locataires sont incités à changer de logement pour trouver un logement sur le marché qui ne trouve pas preneur et dans le parc public, problématique dans certaines villes comme Belfort, Poitiers … et pour lequel le bailleur est disposé à baisser le loyer. Ce qui est le cas de plus en plus actuellement dans de nombreux marchés de province.
e) Le rapport relève aussi la fragilité accrue de la structure familiale et le cas des familles monoparentales (synthèse p. 9).
Il conclut « lorsque les générations futures pâtissent d’une insuffisance de l’action publique, c’est toute la société qui est menacée dans son projet et dans sa cohésion » (p. 11).
Mais en ce qui concerne l'éclatement familial et la décohabitation, il est un peu court d'incriminer l'action publique. Certes, les pouvoirs publics simplifient le divorce (le législateur a récemment diminué les délais de la procédure), mais la destruction familiale et son corollaire, la multiplication du nombre de ménages, est un mouvement de fond qui ne dépend pas de l’action des pouvoirs publics, mais qui renvoie les habitants à leurs propres choix.
II) Sur les propositions
Certaines risquent d'aggraver la crise, au lieu de la résoudre.
a) sur le conventionnement ;
Le rapport propose un grand plan de conventionnement entre l'Etat et les bailleurs (avec exonération de l'imposition des revenus pour les logements les plus sociaux, p. 217).
Mais le conventionnement n'est pas la panacée; il entraîne des réticences des bailleurs qui craignent un renforcement des contraintes au fil des années, et il comporte des incertitudes sur la situation du logement à l'issue de la période de conventionnement. Mais la baisse de la fiscalité est une piste intéressante.
b) encadrer les loyers de relocation ;
C'est une mesure parfaitement inadaptée dans un marché en baisse et qui incitera les bailleurs à ne pas faire de travaux s'ils savent qu'ils ne peuvent pas ajuster les loyers.
c) sur les règles énergétiques ;
« Mettre en place une interdiction progressive de mise en location des « passoires thermiques ». Intégrer les critères de performance énergétique dans les textes encadrant l’indécence et l’insalubrité ». (p. 219)
Cette proposition provoquera un retrait du marché des logements les moins confortables et aggravera la crise.
d) expulsions ;
« Suspendre les expulsions locatives des personnes de bonne foi dans le parc privé comme dans le parc social (tout en garantissant le dédommagement des propriétaires) jusqu’à la fin de l’année 2010 » (p. 222).
Il y a là un risque réel de décourager le placement locatif.
La mesure comporterait aussi un coût important pour les finances publiques car il faudra indemniser les propriétaires. Elle fait double emploi avec la GRL.
« Lier l’octroi du concours de la force publique par le préfet au résultat de la commission départementale des expulsions et à la décision de la commission de médiation Dalo. »
Cette proposition comporte un risque d'inconstitutionnalité.
e) « Élargir la taxe sur la vacance à toutes les communes comprises dans une agglomération de plus de 50 000 habitants ».
Cette mesure aurait sans doute un impact faible, d'autant que les communes où la crise du logement est la plus forte sont déjà concernées.
L’UNPI dans son Livre blanc présente des propositions qui paraissent plus à même de trouver des solutions à la crise du logement.
Formation retraite
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