04 février 2016

« Le Grand Rattrapage » : Les marchés immobiliers d’entreprise en Ile-de-France

L’année 2015 avait débuté lentement, avec des volumes transactionnels nettement orientés à la baisse au premier semestre. Le second semestre a balayé les incertitudes en comblant largement le retard observé. La location de bureau en Île-de-France a même montré un réel dynamisme sur le segment des petites et moyennes surfaces. L’investissement affiche, quant à lui, sa deuxième meilleure année, tandis que, de son côté, le commerce mise sur le tourisme.

Le marché locatif de bureaux : le triomphe du QCA

Avec un total de 2 088 000m² en 2015, la consommation de bureaux en Ile-de-France retrouve un niveau quasi-stable par rapport à celui de l’année précédente (-1%). À 7,3% de moyenne régionale, le taux de vacance reste stable sur un an et continue de s’afficher comme un des plus faibles d’Europe. Mais l’année a été marquée par des changements notables dans la structure du marché.

Réveil de la demande des PME. Après avoir animé le marché locatif en 2015, les très grands utilisateurs, en recherche d’au moins 20 000 m², se sont raréfiés : -39% des volumes placés. Alors qu’ils concentraient 20% de la consommation de bureaux en 2014 (en 13 transactions), leur part est tombé à 12% en 2015 (en 7 transactions).

Ce recul a été compensé par le réveil des utilisateurs de surfaces inférieures, comprises entre 1 000 m² et 5 000 m², sur lesquelles l’activité transactionnelle progresse de 12%. Quant aux utilisateurs de petites surfaces, inférieures à 1 000 m², qui avaient déjà fait un retour remarqué en 2014, ils ont continué sur leur dynamique : leur consommation de bureaux est en hausse de 9% en 2015.

Recentrage géographique de la demande. La localisation de l’activité transactionnelle a profondément évolué vers des adresses plus centrales, mieux connectées et plus rapidement desservies, pour le plus grand bénéfice du Quartier Central des Affaires (QCA) et du reste de Paris intra-muros.

La demande placée progresse de 14% en 2015 dans Paris, avec des hausses vertigineuses sur les 5e, 6e et 7e arrondissements (+71%) ou sur les 3e, 4e, 10e et 11e arrondissements (+59%). Au total, ce sont plus de 900 000 m² de bureaux qui ont été consommés sur la ville centre, soit 43% des volumes régionaux.

Le Croissant Ouest (+7%) a également progressé, tiré par l’envolée de l’activité transactionnelle sur la Boucle Sud (+73%). Le secteur de Péri-Défense a tiré son épingle du jeu (+22%), tandis que Neuilly‑Levallois et La Défense sont restés en retrait : l’année 2014 y avait été tellement bonne qu’il était irréaliste d’espérer conserver des volumes d’activité identiques.

Loyers stables. L’architecture des loyers n’a guère évolué au cours de l’année 2015. Les loyers moyens s’établissent à 531 €/m²/an dans le QCA, à 399 € à La Défense et à 329 € sur l’ensemble de l’Ile-de-France. Les loyers les plus chers se situent dans la partie Ouest du QCA, le Triangle d’Or, où ils sont stables à 750 €/m²/an. Dans la partie Est, la Cité Financière, les loyers prime atteignent désormais 680 € : l’écart, qui n’est plus que de 70 €, s’est réduit ces dernières années du fait de l’arrivée régulière d’une offre de Grade A. A La Défense, le loyer haut de gamme est de 540 €.

Perspectives 2016. Le retour des grands utilisateurs est attendu tandis que le dynamisme des PME devrait se maintenir. La demande placée devrait donc s’inscrire autour de 2,3 millions de m² en Ile-de-France en 2016, soit un niveau conforme à sa moyenne décennale.

Possibles pressions à la hausse sur les loyers des meilleurs immeubles. La probabilité est d’autant plus forte qu’il y a de belles opportunités du côté des valeurs locatives : même pour les surfaces de qualité, les loyers n’ont quasiment pas bougé depuis plus d’une décennie. On loue aujourd’hui un immeuble neuf au même prix qu’il y a 12 ans !

Crainte sur l’offre de qualité. La bonne orientation de la demande pourrait être contrariée par la raréfaction préoccupante de l’offre de Grade A. Un peu moins de 650 000 m² de surfaces neuves ou restructurées sont attendus en livraison dans la région parisienne au cours de l’année 2016, soit -51% par rapport à 2015. Et plus de la moitié de cette surface nouvelle a déjà trouvé preneur ! Il faut s’attendre à voir revenir les pré-commercialisations et les locations en l’état futur d’achèvement.

Le marché de l’investissement : l’appétit des investisseurs

Avec 18,1 milliards d’euros investis en Ile-de-France, l’année 2015 se termine sur une progression de 8%. C’est le 3e meilleur résultat jamais enregistré ! La performance est d’autant plus intéressante que le marché a été moins dépendant de quelques méga-deals : il repose sur davantage de transactions (+12%), portant sur un montant unitaire moyen plus faible qu’en 2014. Ainsi, la part de ventes entre 100 et 200 millions d’euros est passée, en un an, de 24% à 32% des volumes investis.

Elargissement de la gamme d’actifs. A 87%, les investissements de 2015 se sont portés sur les bureaux. La part des actifs Core Plus est restée quasi-stable en 2015. La performance de 2015 s’explique par un regain d’intérêt pour les opérations en blanc et le Value Added. Par nécessité, les investisseurs acceptent davantage de risque, dans certaines limites toutefois :

Comparativement à d’autres classes d’actifs, le risque locatif sur un immeuble neuf ou restructuré s’avère finalement mesuré dans un marché qui ne compte que 7,3% de vacance et qui est en manque cruel de surfaces de Grade A.

L’emplacement n’est pas sacrifié lui non plus. Puisqu’il n’y a pas d’opportunités dans le QCA, l’activité a très largement glissé hors de Paris intra-muros : le Croissant Ouest s’affirme comme la localisation star de l’année 2015, avec une progression de 116% des volumes investis, très loin devant la Première Couronne (+17%).

Acquéreurs français pour l’essentiel. Le marché reste ultra-dominé par les investisseurs français, qui génèrent 64% des montants placés en région parisienne, soit 11,6 milliards d’euros. Il s’agit majoritairement d’institutionnels, qui achètent pour leur compte ou pour des fonds immobiliers (SCI, SCPI, OPCI). Les fonds d’origine étrangère ont donc été marginalisés, sans avoir toutefois déserté la place parisienne puisqu’ils comptent pour un total de plus de 6,4 milliards d’euros en 2015.

Taux de rendement comprimés. Conséquence du très fort appétit des investisseurs, les taux de rendement ont connu une compression spectaculaire en 2015, généralement comprise entre 50 et 100 points de base suivant les secteurs géographiques. L’immobilier continue toutefois d’afficher un différentiel de rendement très positif par rapport à d’autres classes d’actifs, à commencer par les placements obligataires. À la fin 2015, les taux de rendement Prime sur le QCA s’inscrivent dans une fourchette comprise entre 3,50 et 3,75%, soit le plus faible niveau jamais observé.

Perspectives 2016. Tabler sur un volume d’investissement proche de 16 milliards d’euros en 2016 paraît réaliste. L’appétit des investisseurs pour les actifs immobiliers se maintiendra à un niveau élevé en raison du faible niveau de risque qu’ils garantissent. En comparaison de certains actifs financiers, l’immobilier d’entreprise en Île-de-France est un havre de paix !

Certes, un réel krach des Brics ferait voler en éclat ce scénario. Ce n’est toutefois pas ce qui semble se profiler : c’est davantage un ralentissement sévère des économies émergentes qui se dessine que leur effondrement. Pas de panique donc, sans pour autant se voiler la face : ce ralentissement, ajouté à la chute spectaculaire des cours du pétrole, auront des répercussions sur le marché de l’investissement en région parisienne.

Le marché des commerces : la manne touristique des ZTI

La croissance, c’est bon pour le commerce. En 2015, elle a été meilleure que prévue (+ 1,1% contre +0,9% attendu) et, surtout, meilleure qu’en 2014 (+0,2%). Sans faire de l’année un grand cru, elle a – un peu – réveillé la consommation. L’année 2015 a aussi été témoin de l’arrivée de nombreuses enseignes jusqu’alors inédites à Paris. L’attractivité touristique de la capitale ajoutée à la perspective d’ouverture le dimanche ont attisé la compétition entre enseignes pour les emplacements numéro 1 de Paris. L’activité transactionnelle s’est donc concentrée sur les meilleures rues, tirant à la hausse de près de 10% en un an le loyer moyen pour l’ensemble de Paris.

Reprise de la consommation. Dans l’évolution du PIB français, la consommation des ménages a joué un rôle moteur en 2015. Rien de spectaculaire : la France reste enserrée dans la bande des 40 à 42 milliards d’euros de dépenses mensuelles, dont elle n’est pas sortie depuis 2007. Mais le pays revient dans le haut de cette fourchette, qui n’avait été atteint qu’une fois, en 2011. Les dramatiques attentats de novembre ont, certes, donné un coup de frein momentané à la consommation. Mais la dimension du drame humain retient de s’attarder sur l’impact économique, même s’il a été réel.

Ouverture le dimanche. Tous les grands axes commerciaux de la capitale, ou presque, ont été intégrés aux nouvelles Zones Touristiques Internationales (ZTI), qui autorisent l’ouverture des commerces le dimanche et en soirée, jusqu’à minuit : cela accroît encore l’appétit des enseignes pour les emplacements numéro 1. En parallèle, les emplacements numéro 2 souffrent d’un manque d’intérêt des enseignes et d’une baisse de l’activité transactionnelle, se traduisant par des valeurs en berne.

Loyers. La hausse des loyers, qui ne concernait auparavant que les plus belles boutiques, se généralise à la plupart des surfaces disponibles sur les emplacements numéro 1. Ailleurs, il en va tout autrement. Néanmoins, la tension haussière sur les rues les plus recherchées (et le faible nombre de prise à bail sur les artères de seconde catégorie) s’est traduite par une hausse de +10% en 2015 du loyer moyen parisien, lequel dépasse désormais les 1 390 € par m² de surface pondérée.

Perspectives 2016. Le mouvement a-t-il des chances d’être durable et de se poursuivre en 2016 ? Il y a des raisons de le croire. Les perspectives 2016 sont favorables en termes de consommation des ménages. Pour la première fois depuis 2007, l’indicateur synthétique de confiance des ménages se rapproche du niveau moyen observé depuis que cet indicateur existe (1972). Or, la confiance est essentielle dans l’acte de consommation.

Même s’il reste encore une grande inconnue sur le front de l’emploi, les prochains mois devraient être favorables au chiffre d’affaires des commerces. Mais ce sont les meilleurs emplacements qui en profiteront le plus. Bref, l’année 2016 devrait être dans la continuité de la précédente, avec de nouvelles pressions à la hausse sur les axes les plus courus et un gap grandissant entre ces emplacements prime et les autres.

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