14 janvier 2016

La copropriété entre les lois

Quelles sont les lois qui régissent et organisent la copropriété ? Il nous faut à la fois remonter le temps d’un demi-siècle, jusqu’en 1965, et analyser les modifications apportées en 2014.

1965 : la loi fondant le « statut de la copropriété »
En 1965, la France connaît la période faste des « Trente glorieuses », avec une économie florissante et un important mouvement de construction, en particulier d’immeubles collectifs. Le Parlement vote la loi du 10 juillet 1965 « fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ».

Ce texte va régir conjointement les multiples résidences nouvelles qui ont favorisé l’accession à la propriété, et les immeubles « anciens » pour lesquels l’organisation de la copropriété est adoptée. Les dispositions de la loi de 1965 sont devenues une des composantes de la société française, en particulier pour les classes moyennes.

Le texte demeure le fondement de la législation actuelle.
La loi régit « tout immeuble bâti ou groupe d’immeubles bâtis dont la propriété est répartie, entre plusieurs personnes, par lots comprenant chacun une partie privative et une quote-part de parties communes. » Elle définit donc les composantes de l’immeuble, ainsi que le « lot ». Elle édicte des principes avec le règlement de copropriété qui définit les droits et devoirs des copropriétaires.

Le législateur spécifie l’organisation de la copropriété et les rôles respectifs : syndicat des copropriétaires, qui prend les décisions en assemblée générale ; syndic, désigné par l'assemblée pour être le mandataire du syndicat et assurer la gestion, y compris financière, de l’immeuble.

Des retouches au fil des décennies
Dans la période qui suit, les différentes lois concernant le logement ont apporté des modifications, mais sans bouleverser le dispositif mis en place en 1965. Ainsi en 2000, la loi SRU renforce les droits des copropriétaires et facilite la gestion et l’administration de la copropriété. En 2009, La loi Boutin modifie la fixation des honoraires du syndic pour travaux, et introduit des dispositions pour les « copropriétés en difficulté ». En juillet 2010, la loi Grenelle II comporte des dispositions pour des économies d’énergie.

2014, des bouleversements avec la loi Alur
Il y a un peu plus d’un an, la ministre du Logement et de l’Egalité des territoires, Cécile Duflot fait voter la loi Alur. Sa désignation officielle est « Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové ».

La loi Alur est un des textes qui a provoqué le plus de réactions, de polémiques. Et le champ demeure vif. Les débats portent à la fois sur le fond et sur les conditions d'application d’un texte qui n’est pas vraiment simple. Des aspects peuvent être récurrents, puisque la loi a prévu que si certaines mesures sont applicables dès la publication, d’autres n’entreront en vigueur qu’après la prise de décrets en Conseil d’État.

Les domaines couverts par ce texte sont vastes : urbanisme, copropriété, transactions immobilières, logement locatif (avec des infléchissements importants dans les relations entre bailleurs et locataires, que le texte tend à favoriser). Sans entrer dans des polémiques idéologiques, on peut considérer que la loi Alur « complexifie » bien des procédures et des modes de fonctionnement.

Les changements législatifs relatifs à la copropriété : les modifications apportées à la loi de 1965
- Les modalités de prise de décision en assemblée générale : pour les syndics et les copropriétaires, la loi allège les règles de « majorités ». Des choix qui ne pouvaient être faits qu’avec une majorité importante sont désormais du ressort d’une majorité plus facile à réunir. Des résolutions qui devaient être adoptées à la majorité absolue (article 25) sont votées à la majorité simple (présents et représentés, article 24). La majorité de l'article 25 s’applique désormais à des décisions pour lesquelles la double majorité (deux tiers de l’ensemble des copropriétaires, article 26) était nécessaire, ainsi les travaux portant transformation, addition et surtout amélioration.

- L’entretien de l’immeuble fait l’objet de plusieurs dispositions : diagnostic technique global, applicable en 2017 ; élaboration d’un plan pluriannuel de travaux ; fonds de travaux pour faciliter le financement.

- L’immatriculation des copropriétés. Afin de permettre aux pouvoirs publics d’améliorer leur connaissance de l’état des copropriétés une disposition nouvelle a été prise : l’obligation de procéder à l’immatriculation relève du syndicat des copropriétaires, mais la déclaration devra être effectuée par le syndic. La mise en œuvre est prévue à partir de la fin 2016.

- Le compte bancaire séparé devient la règle pour la gestion des fonds du syndicat des copropriétaires ; le syndic doit ouvrir un compte séparé au nom du syndicat (sauf si l'assemblée générale en décide autrement pour les plus petites copropriétés). « Ce compte bancaire ne peut faire l’objet ni d’une convention de fusion, ni d’une compensation avec tout autre compte ». La loi clôt les débats sur les avantages et inconvénients du compte « commun », auquel des syndics étaient attachés, et du compte séparé.

- La désignation du syndic par l’assemblée générale est précédée par la mise en concurrence de plusieurs syndics, présentant leurs projets de contrat. Ce processus est mené par le conseil syndical. Le législateur s’est attaché au fonctionnement de la copropriété et au rôle spécifique du syndic, avec de nouvelles obligations.

- Le contrat et la rémunération du syndic : un décret du 26 mars 2015 met en place un modèle de contrat de syndic type applicable à ceux conclus ou renouvelés à partir du 2 juillet 2015, alors qu’auparavant chaque candidat présentait son projet.

- La rémunération du syndic est désormais déterminée selon un forfait. La liste des tâches est définie ; des honoraires supplémentaires peuvent concerner des prestations particulières dont la liste est codifiée. Pour les travaux le montant de la rémunération en pourcentage ne peut plus figurer dans le contrat, mais doit faire l’objet d’un vote distinct d’assemblée générale, conjointement avec la décision des travaux.

- La mission d’information du syndic est renforcée avec la création, début 2015, d’un accès en ligne sécurisé permettant aux copropriétaires d'accéder aux documents concernant la gestion de l’immeuble et des lots.

- En cas de problème avec son syndic. Le nombre de copropriétés en difficulté (ou dégradées) tendant à se multiplier, des dispositions de la loi traitent de la gestion pour prévenir leur endettement, souvent important. Elles visent à « prévenir la dégradation des copropriétés et faciliter la réalisation des travaux de conservation des immeubles ». La justice peut être saisie, avec les possibilités pour le président du tribunal de grande instance de désigner, selon la situation, un mandataire ad hoc ou un administrateur provisoire. Si le seuil d’impayés de charges est trop élevé, un mandataire ad hoc a en charge d’établir un rapport de situation soumis à l’assemblée. La procédure de l’administrateur provisoire, amené à se substituer au syndic intervient si l’équilibre financier de la copropriété est gravement compromis ou si le syndicat des copropriétaires est dans l’impossibilité de pourvoir à la conservation du bâtiment. L’administrateur peut prendre des mesures exceptionnelles pour redresser la situation.

Si le syndic est « empêché » d’accomplir sa mission, le président du conseil syndical peut convoquer une assemblée pour désigner un nouveau syndic. Un changement de syndic en cours de mandat est possible si l’assemblée décide de la révocation, pour motif grave et légitime. Le syndic ne peut démissionner sans respecter un préavis de trois mois. S’il y a « carence » du syndic, un administrateur provisoire peut être nommé par décision de justice.

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