04 décembre 2015

Aides à la pierre HLM : des comptes d'apothicaire

Le 24 septembre dernier, le Président de la République annonçait devant les composantes de l'Union sociale pour l'habitat, les offices, les entreprises sociales -naguère appelées sociétés anonymes- et les coopératives que l'Etat ferait un effort de financement de la construction sociale sans précédent. Dans son discours, les promesses chiffrées ont volé tels des colibris, légers comme un discours de fête. Et pourtant, le compte y sera-t-il à l'arrivée ?

Tentons d'être clairs. Le Président a promis 250 millions de crédit de paiement, qui seront versés au fonds national des aides à la pierre, nouvellement créé, pour globaliser les moyens donnés par toutes les parties prenantes, Etat, mouvement HLM et collectivités territoriales. L'an dernier, l'effort résiduel de l'Etat n'avait été en fait que de quelque 100 millions, notamment après les prélèvements sur la CGLLS (Caisse de garantie locative du logement social). Cette enveloppe sera complétée l'an prochain par 270 millions. Le fonds de mutualisation entre organismes HLM, habituellement siphonné en cours d'année alors qu'il devait contribuer à l'effort de financement de la construction, disparaît mais une fraction des cotisations versées à la CGLLS viendra abonder le budget général : François Hollande en a annoncé la sanctuarisation pour 2016.

Il faut compléter : pour les futurs projets de construction, les autorisations d'engagement seront pour 2016 de 500 millions, comprenant l'ensemble des contributions financières à la construction HLM, au lieu de 400 pour l'exercice en cours. Comprenne qui pourra.

En fait, la mécanique budgétaire est simple, mais il faut la décoder. Le Parlement vote chaque fin d'année pour l'année qui suit un budget fait de lignes d'autorisations d'engagement. A l'arrivée, les sommes effectivement disponibles et distribuées sont moindres, parce que l'Etat procède à d’ultimes ponctions, qui finissaient par mettre à terre la construction sociale. En quelque sorte, parodiant Corneille et inversant son propos, les HLM peuvent dire chaque année : "Nous partîmes 500 et privés de renfort nous nous vîmes 200 en arrivant au port." En gros, l'évaporation budgétaire agit dans ces proportions jusqu'à présent. Ainsi donc, en 2016, 500 millions seront prévus au budget, dont la moitié venant de crédits d'Etat. Qu'en restera-t-il ?

Pour être exhaustif, il faut signaler le rôle de la Caisse de garantie locative du logement social, régulièrement sollicitée par l'Etat pour se substituer à lui dans le financement de la construction sociale. Cette année, ce sont tout de même 120 millions qu'elle aura versés malgré elle aux HLM... La CGLLS fait office de poche profonde de l'Etat. Il est même prévu que les loyers versés par les quelque 4,3 millions de locataires HLM à faibles revenus soient ponctionnés pour abonder les aides à la pierre... et épargner à l'Etat un effort trop engageant.

Encore aurait-on pu espérer il y a quelques jours que la parole présidentielle se traduise dans le projet de loi de finances initiale pour 2016 par d'heureuses surprises, et qu'on rompe avec le traitement habituel de la question. Aucune rupture avec les exercices précédents au stade des autorisations de dépense... et un doute sur ce que seront les crédits de paiement.

Pourtant, le budget 2016 sera marqué par un effort sans précédent en faveur de l'accession à la propriété, avec une enveloppe d'1,8 milliard pour renforcer le prêt à taux zéro, par assouplissement des critères d'éligibilité dans le neuf et extension à l’ancien sur tout le territoire sous conditions de travaux. Le signal est limpide : le gouvernement met le cap sur l'accession.

Pour le locatif, par contre, les intentions du gouvernement sont uniquement en faveur du privé. Le dispositif Pinel fonctionne bien, et fait revenir les investisseurs sur le marché immobilier. En 2016, ce dispositif devrait coûter 1,6 milliard d’euros à l’Etat. Si ce retour est une bonne nouvelle pour le marché, il se fait au détriment du locatif social, auquel on semble vouloir couper les vivres… On en vient à préférer les aides aux investisseurs privés aux aides à la pierre. L'erreur est de taille : la construction sociale sert d'amortisseur depuis plusieurs années au secteur du bâtiment et même de la promotion privée -qui vend nombre de programmes aux organismes HLM.

Avec ces choix, le gouvernement oublie également qu’une partie importante des Français, du fait de ses faibles revenus, n’a pas la possibilité d’acheter son logement et n’a pas accès au marché locatif privé. Si les aides au monde social ne sont plus là, il n’y aura plus assez de logements pour cette population.

Le choix tactique du gouvernement est suicidaire. Les dispositifs de défiscalisation en faveur du parc privé ont pour effets la hausse des loyers et l’augmentation des prix des terrains. Les conséquences sont désastreuses : l’offre en logements locatifs sociaux s’appauvrit, les prix de vente des logements neufs augmentent. L’Etat creuse son propre tombeau des Danaïdes. Plus il injecte de l’argent dans le dispositif Pinel, plus il doit en mettre pour soutenir les moins favorisés ! Il est temps que le cap soit corrigé. Souhaitons que les débats parlementaires sur le projet de Loi de finances y conduisent.

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