Un point de vue de Jean-François Buet, Président de la FNAIM
La délibération récente de la Ville de Paris pour remettre sur le marché les logements locatifs vacants est historique : les propriétaires bailleurs qui stérilisaient délibérément leur bien depuis au moins six mois et qui acceptent de le louer par l'intermédiaire d'un professionnel recevront une prime de la collectivité locale, à la condition qu'ils consentent un montant de loyer inférieur de 20% ou plus par rapport au loyer de référence défini par l'arrêté préfectoral d'août dernier. Le versement régulier des loyers sera en outre couvert par une assurance financée par la mairie, comme les honoraires attachés à la location. Enfin, les éventuels travaux de remise en état du bien pourront aussi être pris en charge par la Ville. Au bout du compte, un bailleur parisien recevra jusqu'à 14 000 € de la part de la collectivité de proximité.
Le dispositif est remarquable à plusieurs titres. D'abord, et c'est sans doute l'essentiel, il témoigne de la conscience des édiles de la capitale que la mission de loger les familles des classes moyennes ne peut être assumée seulement par les organismes HLM. Il est clair que la solution du problème passe par la mobilisation du parc locatif privé. Elle exige un contrat entre les investisseurs et la collectivité, aux termes duquel ils modèrent leur loyer en échange d'une aide publique. On note que la Ville de Paris a conditionné son intervention à ce tempérament des loyers pratiqués, en utilisant opportunément les références de l'observatoire local, l'OLAP (Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne)... Il est heureux que cet outil statistique ne serve pas qu'à la coercition malvenue de l'encadrement instauré par la loi ALUR et qu'il soit utilisé à des fins plus positives.
On ne pourra que se féliciter également du rôle confié dans la mise en œuvre de ce dispositif aux professionnels de la location et de la gestion. Au demeurant, l'inspiration du Bail Multiloc doit tout à la représentation territoriale de la FNAIM, (Chambre du Grand Paris). Elle a œuvré pendant des mois à convaincre l'équipe municipale. L'influence de notre syndicat à Paris a aussi conduit à la reconnaissance de l'efficacité des professionnels : eux-seuls peuvent garantir que les loyers seront fixés au bon niveau, que les prestations du logement seront correctes, éventuellement au prix d'une rénovation ou d'une mise aux normes.
Pourtant, la bonne nouvelle du Bail Multiloc jette une lumière crue sur l'inadaptation de la fiscalité nationale du bailleur privé. Elle révèle en outre que pour une ville qui aura su trouver un correctif à la pente des investisseurs à retirer leur bien du marché, des dizaines d'autres resteront confrontées au problème de l'attrition du parc locatif privé.
Huit ans que notre Fédération a écrit la prescription et que les gouvernements successifs se contentent d'estimer le remède pertinent... sans l'administrer. Le salut viendra de la mise en place d'un new deal fiscal, sur la base du trop rustique statut de droit commun du déficit foncier. Il faut d'urgence moduler la considération fiscale du bailleur dans l'existant en fonction du dividende social qu'il verse. En clair, si un propriétaire baisse le loyer demandé pour le rapprocher des loyers HLM, il est normal que sa faculté d'imputer ses charges pour réduire son assiette d'imposition et de faire reconnaître l'usure de son bien soit majorée. Il serait même légitime que sa taxe foncière soit allégée.
Bref, un mécanisme de Bail Solidaire doit voir le jour. Monsieur Valls, devant le Congrès de la FNAIM il y a un an, s'est dit intéressé... Le temps n'est plus aux marques d'intérêt et l'urgence d'abonder l'offre locative dans les zones tendues impose qu'on passe à l'acte. Au demeurant, les efforts d'une collectivité locale sont-ils là pour compenser un régime fiscal inadapté ? En tout cas, ceux de la Ville de Paris pour redonner le goût de l'investissement locatif aux bailleurs privés, louables, révèlent la cécité de l'Etat. Le projet de loi de finances pour 2016 peut être l'occasion de réparer ce préjudice.
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